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A la sortie du tiroir

19 mai 2011

Et maintenant, l'écriture !

pageblancheVous savez que vous voulez écrire, vous savez que vous voulez écrire dans l'objectif d'une publication. Et vous vous sentez capables d'écrire valable et fonctionnel. Ok, super. Reste maintenant tout le gros du boulot, l'écriture. Comment se lancer, comment s'organiser et comment tenir la distance ? Les réponses que j'apporterai ici seront, somme toutes, toutes à fait personnelles. Certes, il n'existe pas autant de méthodes que d'auteurs, mais elles ont tout de même le mérite - ou bien l'inverse - d'être relativement multiples et variées pour qu'il me soit difficile d'explorer chacune d'entre-elles sans que cela ne devienne le nouveau sujet de ce blog. Ce dernier s'allongerait alors de manière considérable et chronophage, bouffant cruellement, sadiquement, mais surtout vainement, tout le temps consacré potentiellement à mes propres textes.

1) Sur les starting-blocks

A quelle heure faut-t-il se lancer ? Le jour ou la nuit ? Hier ou demain ? Je pense fondamentalement que le départ naît d'un déclic. Vous êtes là, dans le métro, puis ça vient tout seul, comme ça, au mauvais moment. Ca fait pipi précisément quand vous matiez la jolie nana qui commençait à s'en agacer. Remarque, le moment est peut-être bien choisit par la bibite mentale puisque vous allez pouvoir éviter la frustration de regarder votre reflet dans la vitre durant les huit prochaines stations. Ce que vous commenciez à prévoir de faire, pour un peu moins la gêner. Voilà pourquoi, j'aurais toujours ce conseil pour vous, celui-ci applicable à chacun. Ayez toujours sur vous de quoi écrire. iPhone ou stylo bic, peu importe. L'essentiel étant que vous ne soyez jamais amené à être prit au dépourvu. Et optionnellement, n'oubliez pas que votre côté "écrivain" la séduira peut-être.
Puis maintenant que vous avez enfin détterré de votre inconscient les deux phrases d'accroche qui tuent "Il faisait si beau ce matin que j'avais soudain envie de faire caca. Spasfon, coups de poings dans l'estomac et gardes-à-vues, tout y était passé, ma constipation avait duré pendant des mois", autant rentrer chez vous dès que possible. Oubliez la partie de pétanque avec Bruno ou la partie de de Scrabble avec tata Jeanine, courrez, prenez les petits, zappez le détour par la boulangerie, collez les devant leurs devoirs (que vous reviendrez évidemment corriger, on est pas des mécréants) et allumez votre PC.
A mon sens, votre bonne première session fera au moins deux mille mots. Deux mille mots, ça correspond à peu près aux sept premières d'un bouquin de sacs-à-main (par opposition aux bouquins de poches). Ca signifiera assez nettement que votre inspiration était profonde, au moins autant que face à la nana du métro.

2) Les sessions suivantes

Tout fier face vos deux mille premiers mots, vous peinez à rééditer l'exploit, le lendemain ; et c'est normal ! Le coup du roman à tripes écrit rageusement, en moins d'une semaine et au fil de la plume, c'est rarement autre chose qu'un faux coup d'éditeur. Léo Ferré, en son temps, se serait insurgé contre ce "marketing !". Mais comme nous le chante si bien notre ami Tom Scarlett, Léo Ferré est mort, et vous avez bien d'autres pieds de micro à fouetter.
L'écriture, ça ne rapporte rien. Rares sont ceux qui vivent de leur plume s'il ne l'usent pas également dans de grands quotidiens et autres boites de pubs. Et pourtant, écrire est un métier. Si l'on veut aller au bout, il faut se professionnaliser. Qu'on le dise une fois pour toutes, écrire ce n'est pas comme regarder la télé. Il ne faut pas se contenter d'ouvrir le fichier lorsque l'on en a envie. Il faut organiser de véritables sessions de boulot, avec un emploi de temps quasi-millimétré, un lieu de travail, et des objectifs quotidiens et hebdomadaires à atteindre.
Je pense qu'une moyenne raisonnable doit se situer aux alentours de huit cent mots par jour (trois à quatre pages, toujours dans nos sacs-à-main). C'est assez peu. Cela doit correspondre, en moyenne, à une heure de création - même si ça reste tout à fait variable selon les personnes et selon les moments -. Mais je pense qu'au-delà la fraicheur n'est plus là. Cependant, une fois la spontanéité envolée, il reste toujours pas mal de boulot, la fameuse réécriture que j'aborderai lors de notre prochain billet.
Où écrire ces huit cent mots quotidiens ? Ca, c'est une question importante. A mon sens, la réponse est "surtout pas chez soi". Entre le téléphone qui sonne, la cuisson des patates et le clip sympa qui passe à la télé, vous n'écrirez jamais. Le mieux reste encore les bibliothèques municipales. Au moins on y écrit, on s'est déplacé pour ça. Et y a même des prises pour brancher vos netbooks.

3) Le coup de la panne

Paradoxalement, on a plus écrit sur la page blanche qu'elle même n'a permit d'écrire. Il est des moments où rien ne vient, des moments où c'est le néant. Si le travail à la table a été conséquent et fourni, on connait bien sûr la direction, mais la bibliothèque mentale n'a plus d'âme. Que faire dans ces cas là ? Ecrire, toujours écrire, mais autre chose. Il s'agit alors d'ouvrir un nouveau documents de se lâcher sur une short story sans conséquences et sans règles. Ce n'est pas encore les vacances scolaires, mais c'est la récréation. Lorsque l'envie n'est vraiment plus là, alors il reste toujours le travail de réécriture. La réécriture ne demande pas d'âme. C'est du réglage de pistons, des virgules à remettre dans le bon sens, quelques boulons à changer, rien de plus. Alors on s'y met et on revient avec de meilleures intentions au prochain match.

 
Vous l'aurez comprit, à mon sens, écrire, c'est doser de manière schizophrène des espaces de création artistiques et littéraires dans un cadre rigide et disciplinaire. Une fois encore, la métaphore de l'alchimie et de la potion magique s'adapte très justement à mes propos.
Alors que la ségrégation des espaces s'opère assez bien dans la plupart des autres disciplines artistiques (c'est très vrai dans le cinéma, où la technique et le plateau peuvent travailler en totale indépendance), l'écriture, par son aspect solitaire, nécessite que son auteur soit suffisamment avisé pour faire preuve de sérieux et de régularité, mais aussi suffisamment en rébellion face à cet aspect de sa personnalité, pour s'octroyer des libertés indispensables à l'intérêt ludique et poétique de son texte. Au fond, le devoir de l'écrivain est peut-être d'avoir en lui cette fameuse capacité à aller suffisamment bien pour pouvoir ensuite se permettre d'aller beaucoup plus mal.

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27 janvier 2011

La recette du roman qui fonctionne

medium_panoramixJe sais que je veux écrire un roman. Mieux, je sais que j'en suis capable. Mais comment écrire un roman qui fonctionne ? Il s'agira tout d'abord de définir ce qu'est roman fonctionnel. Et pour cela, sans détour aucun, on apportera une réponse extrêmement simple, un roman qui fonctionne est un roman qui possède une fonction.
Mais quelle est la fonction d'un roman ? Evidemment, c'est d'être lu. Et pour qu'il le soit, on l'a déjà vu, il faut savoir séduire ses trois destinataires. Une mission nécessitant, avant même l'écriture, un travail préalable souvent complexe.

1) Trouver l'idée générale de votre oeuvre.

Généralement, si l'on se lance dans l'écriture d'un roman, c'est que l'idée est déjà là. Comment est-t-elle née ? D'une histoire personnelle, d'un fait divers, d'un phénomène de société, des conclusions d'une lecture antérieure ? Peu importe, le fait est que cette idée qui émerge à peine soulève déjà ses premières interrogations, dont deux principales. Est-t-elle un prétexte suffisant à l'écriture d'un roman, oeuvre longue s'il en est, et quelle peut être sa viabilité aux yeux d'un potentiel éditeur ? Plusieurs outils permettent d'obtenir quelques éléments de réponses. Consulter ses amis (Promis, personne ne viendra vous piquer une simple idée. Le boulot nécessaire pour en tirer maigre profit devrait décourager tout le monde) et vérifier l'originalité de votre trouvaille, par exemple par le biais d'internet. Si par malheur vous êtes amenés à vous rendre compte d'une malheureuse absence d'originalité quant à votre sujet, ne perdez pas espoir. Vous faîtes simplement partie des 99% d'auteurs français en mal d'inspiration (chiffre hasardeux mais certainement clément, duquel je ne m'extrais pas moi-même). Le meilleur reste donc à venir, puisqu'il va maintenant vous falloir concevoir l'angle de traitement qui vous permettra de vous distinguer afin de vous approprier définitivement votre création.

2) Définir et étudier ses thèmes.

A moins qu'il ne s'agisse d'une oeuvre visant à s'affranchir totalement des limites de la civilisation humaine et du champ de ses connaissances, il est évident que votre idée abordera des thèmes déjà explorés auparavant. Aussi, pour éviter de sembler naïf dans votre traitement, mais aussi pour nourrir votre idée personnelle d'anecdotes capable de s'extraire de votre propre spectre, de votre propre vision des choses, il vous sera nécessaire d'étudier les thèmes en question. Pour cela, n'hésitez pas à franchir le seuil de la simple littérature pour naviguer dès à présent sur les terres de l'information, des autres arts, de la sociologie, de la psychologie, de la théologie, de la philosophie, et de tout ce qui vous semblera, de près ou de loin, capable d'arborer un suffixe un tant soit peu similaire. Ce travail de chercheur devrait vous occuper un bon moment et élargir étonnamment vos perspectives toutes littéraires.

3) Identifier des personnages, une structure, une ligne directrice.

Maintenant que tout est clair quant au sens que vous voulez donner à votre oeuvre, il est enfin temps de concevoir votre intrigue. Un point de départ, deux ou trois rebondissement et une fin ne suffiront évidemment pas. Il vous faudra rédiger un plan, une structure, comme à l'époque de ce lycée que vous fréquentiez jadis. Cette schéma narratif vous permettra de rédiger un roman équilibré, sans digressions trop vastes ni scènes parachutées ça et là pour d'obscures raisons. Au delà, ce schéma vous offrira la possibilité d'une écriture par parties, aérant vos séances de travail et vous permettant de revenir plus tard à une séquence sur laquelle vous buttiez. Vous pourrez également aborder votre roman, non pas comme une masse de travail insoluble, mais comme une suite d'objectifs raisonnables en définissant le nombre approximatif des mots qui devront composer chaque scène.
Dans le même ordre d'idée, et donc dans une même sous-partie, on ne pourra que vous recommander de rédiger des fiches concernant vos personnages avant de vous lancer dans l'écriture de votre roman. Cela vous permettra de leur conférer une réelle crédibilité, puisqu'ils pourront mieux rester fidèles à ce qu'ils sont tout au long de votre histoire (sauf nécessité contraire liée aux rebondissements de leurs storylines)
Equipé de cette structure narrative et de ces fiches, vous devriez être suffisamment armé pour ne jamais avoir à perdre votre ligne directrice.

4) Continuer à appliquer cette dramaturgie tout au long de votre oeuvre sans nuire à vos espaces de créativité.

Si je vous ai fait part de toutes ces recommandations dans un ordre qui me semblait logique, il est tout de même important de ne pas considérer les cloisons entre ces différentes sous-parties comme des sas étanches. Parfois, un personnage né avant une oeuvre, et l'on explore un thème avant d'avoir l'idée d'un roman. Au delà, cette dramaturgie partant de votre travail à la table pour s'appliquer dès l'écriture de votre prose ne devra certainement pas s'achever au moment où vous vous déciderez enfin à créer le fichier le plus sacré de votre ordinateur. Au contraire, vous n'en serez alors qu'au tout début, et travailler en permanence la genèse de votre oeuvre, sans en altérer les racines invariables, vous sera souvent essentiel. A tout moment, une recherche sur internet pourra accroitre votre précision, ne l'oubliez jamais.
Enfin, éviter de transformer cette scrupuleuse préparation en une béquille handicapante. Votre écriture devra parfois suivre son propre chemin pour mieux vous surprendre et vous transmettre une certaine foi. L'essentiel sera d'en rester l'unique maître pour toujours pouvoir en reprendre les rennes aussitôt que nécessaire.

 
Hélas, ce billet ne pourra offrir plus que lors de sa promesse initiale. La recette proposée n'est pas une formule magique et aucun bon roman ne sortira de votre chaudron sans un réel talent et une relative acuité. A défaut, je pense que les éléments définis vous permettront au moins d'écrire un roman qui tient la route, un roman qui fonctionne. Si, par la suite, votre style est lisible et que vous ne ressentez aucune honte lors de l'utilisation d'un Bescherelle, tout devrait bien se passer.

22 janvier 2011

Comment savoir si l'on écrit valable ?

ecrivainEcrire quelque chose de valable, oui, mais aux yeux de qui et valable en quoi ? Et comment être bien sûr que ce que l'on écrit vaut vraiment quelque chose ?  Ces questions sont sans doute plus longues à explorer qu'il n'y parait.

On distingue à priori trois cibles aux yeux desquelles on tient à écrire valable, soi-même, les autres, et un potentiel éditeur. Tout le problème étant de contenter les trois partis, en tout cas si l'on considère la publication comme l'un de ses objectifs. Mais avant de chercher à remplir les conditions de chacun, encore faut-t-il avoir conscience de ses propres aptitudes, de ses propres limites et de sa marge de progression.

Encore une fois, les premiers indices arrivent très tôt, dès l'école primaire. Les bulletins de notes suffisent et les commentaires des professeurs éclairent. La question n'est pas tant celle du plaisir à écrire que celles de ses capacités d'adéquation aux règles de l'écriture. Syntaxe, grammaire, conjugaison, variété dans la forme des phrases, tout cela doit être maîtrisé dans un premier temps, même pour ceux dont le chemin littéraire les amènera à s'affranchir, plus tard, de ces apparentes contraintes.

Puis avec les premiers écrits, viennent les premiers commentaires des amis. Pour la majeure, un tissu de conneries gentiment polies émises par des personnes qui n'ont rien lu si ce n'est Marc Lévy, 20 minutes, et la composition du riz au lait Nestlé, pour la mineure, quelques commentaires orientés par des lectures antérieures et cherchant surtout à faire le trait entre votre personnalité et vos textes. En clair, si ce n'est pour l'orthographe ou la syntaxe, rien de bien pertinent quant à vos qualités existantes ou supposées. Mais tout de même, ce que vous offriront vos amis-lecteurs ce sont leurs premiers ressentis sur vos papiers. C'est important un ressenti, c'est même la destination finale. Mais pour l'instant vous avez bien d'autre soucis que cette destination, et ce ne sont pas vos amis qui pourront vous servir de guide.

Deux chemins s'offrent alors à vous, le plus évident à notre époque étant internet, le meilleur selon moi étant les amis d'amis. Internet c'est simple, c'est rapide, on fait beaucoup de rencontres, on trouve facilement beaucoup de lecteurs, peut-être dix, parfois même cent, si l'on prostitue assez bien sa prose. Mais une fois encore, ces lecteurs ne vous diront pas grand chose d'utile quant à la viabilité de votre écriture. J'aime, j'aime pas, parfois d'un simple clic. Rarement un commentaire construit et auquel cas, jamais quelque chose de bien méchant. Les "méchants" sont vite étiquetés sur le net, on leur accuse de vouloir plus de mal que de bien. Pour ma part, j'admire ceux qui sont prêt à sacrifier un peu de leur réputation pour venir en aide à quelqu'un, mais qu'importe, les motivations ne sont pas toujours aussi nobles et ce serait un tout autre débat.

Les amis d'amis ont cela qu'ils ne vous connaissent pas mais qu'ils savent très clairement ce que vous attendez d'eux (ce qui est encore plus vrai lorsque vous leur fournissez une fiche de lecture vierge en plus de vos quelques feuilles). L'important avec eux sera surtout de les choisir avec soin, de tous âges, et si possibles lettrés et enthousiasmés par les qualités de lecteurs que vous voulez bien leur prêter. Mieux, si cela vous est possible, faites vous lire par d'éventuels parrains déjà insérés dans le milieu. Quel que soient vos lecteurs, veillez cependant toujours à les respecter en ne leur faisant pas lire n'importe quoi. Relisez-vous avant d'imprimer et ne leur soumettez que vos meilleurs textes ou extraits. Ces gentilles personnes veulent bien faire un effort mais elles n'en deviennent pas pour autant des grand-mères émerveillées devant chacun de vos balbutiements. Si vous voulez conserver vos lecteurs, il faut en prendre soin. C'est d'ailleurs leur force, car si après avoir lu vos nombreuses pages, il les trouvent indigentes, ils n'hésiteront pas à vous faire part de leur temps perdu.

Maintenant que vous êtes un peu mieux parvenus à définir la valeur littéraire de vos textes, encore faut-t-il bien cerner les attentes sous-jacentes de vos différents destinataires. Car un texte, s'il est valable d'un point de vue littéraire, ne l'est pas forcément en tant que simple texte.

    Soi-même : Pour qu'un texte soit valable à nos yeux d'auteur, ce qui compte c'est généralement le style avant tout, la monstration, même à soi. On veut s'épater et épater les autres. Très bien, vous écrivez alors pour votre plaisir. Mais sans contrainte, vous ne ferez plaisir qu'à vous-même.

    Les lecteurs : Difficile de définir un profil type, mais ce que semble vouloir retrouver le lecteur à travers vos textes, c'est avant tout lui-même, parfois très indirectement, dans la différence, et parfois de manière plus évidente. Les lecteurs veulent aussi éviter l'ennui, et être béat devant un style leur suffit rarement pour y parvenir. Il s'agit donc de soigner son intrigue, d'intéresser avec son univers, ses personnages.

    Les éditeurs : Au même titre que le Beaujolais, les éditeurs veulent vendre votre livre en tant que produit culturel nouveau. L'ouvrage en question doit donc être pensé comme un concept, dont le pitch, exposable en une phrase, leur semblera immédiatement neuf. Ce qui les intéresse, ce n'est pas vous. Ils visent le "i got it !", le "Eurêka !". Le style, tant que la lecture est fluide, ne constitue pas pour eux une priorité. C'est plus une question d'intrigue et d'idée générale. Une histoire, simple prétexte à porter un style, séduit rarement un éditeur. Pour les mêmes raisons, mieux vaut éviter de parler madeleines lorsque l'on ne s'appelle pas encore Marcel Proust.

Ce que l'on peut tirer de tout cela, c'est la nécessité, dans le cadre d'une volonté de publication, de savoir séduire toutes les parties concernées, sans jamais avoir à n'en n'omettre aucune. L'écriture professionnelle requiert de faire des choix, vécus difficilement par certains, comme nombres de petites auto-trahisons. Pour ceux-là, comme pour les autres, il faudra tout de même pouvoir répondre à ces trois questions. Suis-je capable d'écrire un livre ? Si oui, lequel ? Et pour qui ?

20 janvier 2011

Pourquoi écrire, pourquoi vouloir être édité ?

articleJe pense que ces deux questions sont fondamentales quant à notre sujet. Je pense aussi que si, pour beaucoup, ces deux phénomènes sont indissociables, l'écriture et l'édition peuvent en réalité être considérés comme deux démarches très différentes.

Pourquoi on écrit ? Tu le sais toi ? Moi ce que je sais, c'est que j'ai commencé à six ans, lorsque mon maître d'école m'a enseigné les premiers trucs. Mon premier roman était une short story sans titre, l'histoire de deux soldats américains partant tester les performances d'un nouveau modèle d'hélicoptère par delà les eaux territoriales de l'océan Atlantique. A cours de carburant, nos deux gaillards devaient atterrir en catastrophe dans une jungle peuplée de tigres et de sauvages. Bien sûr, les tigres étaient l'affaire du personnage principal et les sauvages, l'affaire de son copilote chauffant dans leur marmite. Un pitch d'enfant, pour un roman de deux pages.

J'ai cessé d'écrire après quelques carnets de voyages anglais et puis ça m'a reprit vers quinze ans. Le collège s'achevait et les cours de maths m'emmerdaient. Je ne prenais plaisir qu'aux sujets de rédactions que me proposaient gentiment Monsieur Parcou en salle deux cent et quelques. Dans les autres classes et dans les étages supérieurs, je faisais comme tous les autres adolescents, j'écrivais de la poésie de comptoir sans en n'avoir jamais fréquenté.

Je crois pouvoir dire que j'écrivais pour mon plaisir mais également pour ma satisfaction. Il est toujours agréable d'avoir quelques qualités, quitte à devoir travailler un peu pour se les révéler. 

Plus tard, au lycée, je n'écrivais plus que lorsque j'avais une fille à mes côtés. Cette activité pseudo-subversive me mettait en valeur, je n'écoutais pas nos professeurs. J'aimais alors commencer mes textes par des banalités confondantes "Le ciel était bleu et le soleil brillait" cela faisait rire et préparait mieux le contraste stylistique qu'amorçait la suite. Oui, j'écrivais pour les mêmes raisons que tout le monde, c'était un moyen d'expression. Les publicitaires écrivent pour cela, ma grand mère m'écrit pour cela, même nos boulangers nous écrivent pour cela, sur des panneaux avec le prix des pains aux raisins. Mais contrairement aux leurs, mon écriture n'était pas franche, elle n'était qu'un médium abruti mêlant malhabilement audace et timidité.

Je pris un virage un peu tardif vers vingt ou vingt-et-un an. Je sortais d'une histoire d'amour éprouvante et j'écoutais et faisais beaucoup de musique. J'écrivais donc principalement des textes de chansons, toujours quelques short stories également, puis un premier roman, une oeuvre inachevée. Les chansons exorcisaient certaines choses, le reste me conférait une posture niaise et stupide de poète à peine maudit.

Mon premier roman lisible, confortable, et digne d'intérêt dans un wagon de métro, j'ai commencé à l'écrire il y a un peu moins d'un an. Cette fois-ci je m'adressais au monde et aux éditeurs. L'intrigue naissait d'une idée que j'estimais vendeuse et malicieuse et le texte comportait des idées que je voulais sociales bien que peu sociables. J'étais donc, et je le crois toujours, enfin mûr pour l'édition.

Me voici donc aujourd'hui officiellement aspirant à l'édition. Mon premier roman achevé puis envoyé par la poste l'a été en septembre dernier. Alors pourquoi vouloir en arriver là ? Pourquoi vouloir éditer ce tas de papier qui aurait tout aussi bien pu rester coincé entre les deux parties de mon netbook  ?

Pour baiser, tout naturellement. On veut tous publier pour baiser plus et mieux. On vise tous les grands éditeurs et les têtes de gondoles de nos fnac pour cette simple raison. Ce n'est pas parmi les sept cent copies écoulées que l'on cherchera nos corps emplis de désir, non, notre plan sera autrement plus simple, et sans salons du livres où les hormones des autres effraient. On en parlera autour de soi et le désir naitra très banalement. Comme Grenouille s'aspergeant de son meilleur parfum, l'auteur publié accèdera au statut, semi-divin au vingt-et-unième siècle, d'artiste officiel, dès qu'achetable avec de vrais billets ; les filles s'imaginant rapidement les soirées mondaines, l'argent, le champagne, les plateaux de télévision et les ballades en F430 tous les mois de mai sur la croisette. De ce point de vue, un livre publié n'apparait alors comme rien d'autre que comme une invitation au tourisme sexuel intra-muros.

Mais il n'y a pas que ça, il y a aussi la perte de l'enfance. A vingt-cinq ans le temps de l'écoute est révolu, on est plus le centre d'attention de personne. Si on fait plus de cinq phrases de suite, on est immédiatement considéré comme pompeux et bavard. Pourtant, l'envie de conserver sa faculté de voix demeure. Le livre s'impose alors en solution parfaite. Deux cent pages en plein visage et l'impossibilité d'une réplique. Puis il y a aussi les convictions, cette croyance certaine que l'on détient des vérités sur le monde et qu'on peut même l'aider à aller mieux en les exposant, en les extirpant de leurs souterrains.

L'écriture serait donc un besoin d'aller vers soi et la publication un besoin d'aller vers les autres. Où comment s'aimer, puis se faire aimer. Tout ces prétentieuses bagatelles ne seraient qu'un évident sport amoureux, comme le badminton, la pétanque, ou le rugby.

Je n'ai pas aujourd'hui l'envie de croire que mon premier roman puisse être une oeuvre universelle prête à transcender le monde tout en le sublimant. En revanche, j'ai envie de croire en sa possibilité d'être un produit culturel convenable, commercialisable et vendeur. Alors, messieurs les éditeurs qui ne passerez jamais pas ici, achetez-le, vendez-moi, achetez-moi et vendez-le.

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A la sortie du tiroir
  • Nombreux sont les jeunes et moins jeunes qui cherchent à sortir leurs manuscrits de leurs tiroirs, à dégainer une centaine d'enveloppes-kraft, pour enfin s'accaparer le prestige des rayonnages de leurs libraires. Nous avons tous la même histoire.
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